L’industrie automobile, notamment le secteur des véhicules électriques, est au cœur d’une bataille économique qui semble de plus en plus acharnée entre la Chine et l’Union européenne. Quelle est la situation actuelle se dirige-t-on vers une guerre commerciale ouverte ?
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La Chine subventionne ses fabricants au-delà du raisonnable
L’origine de cette confrontation : les prix extrêmement compétitifs des véhicules électriques chinois, soutenus par des subventions publiques massives, qui mettent en péril les fabricants européens.
En réponse, l’Union européenne a récemment voté en faveur de l’imposition de droits de douane supplémentaires sur les véhicules électriques importés de Chine. Ce geste protectionniste a suscité une vive réaction de Pékin, menaçant de représailles contre certains produits européens. Cette escalade pourrait bien être le début d’une guerre commerciale aux lourdes conséquences pour les deux blocs.
Une taxe pour rétablir la concurrence ?
Le principal argument de l’Union européenne pour justifier ces nouvelles taxes repose sur la distorsion de concurrence causée par les subventions étatiques chinoises.
En effet, ces aides permettent aux constructeurs chinois de proposer des véhicules à des prix bien inférieurs à ceux des constructeurs européens. Le commissaire européen chargé du commerce, Valdis Dombrovskis, a récemment souligné l’importance de rétablir des « conditions de concurrence équitable » entre les fabricants européens et chinois.
Concrètement, la taxe imposée pourra atteindre jusqu’à 35,3 % en fonction du niveau des subventions perçues par les entreprises chinoises. Le constructeur BYD, par exemple, le deuxième fabricant mondial de véhicules électriques, verra ses voitures taxées à hauteur de 17 %, en plus des 10 % de droits de douane déjà en vigueur. L’objectif de cette mesure est clair : protéger les fabricants européens face à une concurrence jugée déloyale.
Protectionnisme ou nécessité ?
Cette décision de Bruxelles n’a pas fait l’unanimité. Plusieurs États membres, dont l’Allemagne, se sont opposés à la mise en place de ces droits de douane supplémentaires, craignant des représailles commerciales de la part de la Chine. L’Allemagne, fortement dépendante de ses exportations, notamment dans le secteur automobile, craint une réponse du même acabit de la part de Pékin.
En effet, la Chine a déjà laissé entendre qu’elle pourrait imposer des taxes sur des produits européens tels que le cognac, les produits laitiers ou encore le porc, ce qui menace plusieurs secteurs économiques clés en Europe.
Jean-Marc Daniel, économiste et professeur émérite à l’ESCP Business School, considère cette taxe comme une « grosse erreur ». Selon lui, en engageant une politique protectionniste, l’Europe risque de nuire à ses propres intérêts économiques. « Les pays avec qui on commerce ne sont pas seulement des concurrents, mais aussi des clients », explique-t-il. Il rappelle que l’Union européenne dégage un excédent commercial global de 250 milliards d’euros par an, une situation qui pourrait être fragilisée par une guerre commerciale avec la Chine.
À l’inverse, Yves Bertoncini, consultant et enseignant en affaires européennes, voit dans cette taxe une opportunité pour l’Europe de montrer à la Chine qu’elle ne tolérera plus ces pratiques commerciales déloyales. Selon lui, « il s’agit d’un coup de semonce » pour inciter les autorités chinoises à revoir leurs pratiques et à rétablir un équilibre dans les échanges commerciaux entre les deux régions.
La Chine, entre contre-attaque et adaptation
La réaction de la Chine ne s’est pas fait attendre. Le gouvernement chinois a dénoncé ces mesures comme étant des pratiques « protectionnistes injustes » et « déraisonnables », menaçant de frapper les intérêts européens. Outre la possible mise en place de taxes sur certains produits européens, la Chine pourrait également chercher à contourner ces nouvelles barrières commerciales en implantant des usines de production en Europe.
En effet, plusieurs constructeurs chinois, tels que BYD et Great Wall Motors, ont déjà annoncé leur intention de construire des usines sur le sol européen. Ces investissements permettraient à la Chine de continuer à vendre ses véhicules sans avoir à payer les taxes à l’importation tout en profitant d’une main-d’œuvre locale bon marché, notamment en Hongrie et en Slovaquie.
Cela pourrait ainsi atténuer l’impact des nouvelles mesures européennes tout en renforçant la présence chinoise sur le marché automobile européen.
Cependant, cette stratégie d’implantation en Europe suscite des interrogations. D’une part, elle pourrait favoriser la création d’emplois en Europe, ce qui serait bénéfique pour certaines économies locales. D’autre part, elle soulève la question de savoir si l’Europe ne se prive pas d’opportunités d’investissement en surtaxant les véhicules importés. Pour Yves Bertoncini, il s’agit d’un arbitrage délicat entre la protection de l’industrie européenne et l’attraction des investissements étrangers. « Certes, ces voitures resteront des véhicules chinois, mais elles seront produites par des travailleurs européens », explique-t-il.
Un risque pour les consommateurs européens ?
L’une des grandes inconnues de cette guerre commerciale naissante concerne l’impact de ces mesures sur les consommateurs européens. Les voitures électriques chinoises sont actuellement vendues à des prix bien inférieurs à ceux des modèles européens. En augmentant les taxes sur ces véhicules, l’Union européenne risque de faire grimper les prix des voitures électriques, ce qui pourrait ralentir la transition écologique en rendant ces véhicules moins accessibles pour les particuliers.
Pour Jean-Marc Daniel, ce sont les consommateurs européens qui seront les grands perdants de cette politique protectionniste. « Au final, ce sont eux qui paieront ces taxes », explique-t-il. En effet, si les constructeurs chinois décident de répercuter ces coûts supplémentaires sur leurs prix de vente, les voitures électriques importées deviendront moins abordables pour les ménages européens, alors même que la demande pour ce type de véhicule est en forte croissance dans le cadre des objectifs de réduction des émissions de CO2.
Quelles perspectives pour l’avenir ?
L’escalade des tensions entre la Chine et l’Union européenne pose la question de l’avenir des relations commerciales entre ces deux puissances économiques. Si les deux parties semblent pour l’instant prêtes à défendre leurs intérêts, il est peu probable qu’une véritable guerre commerciale éclate à grande échelle. Les deux blocs ont beaucoup à perdre dans ce conflit, et un compromis pourrait encore être trouvé pour éviter des répercussions trop lourdes sur leurs économies respectives.
L’une des pistes envisagées serait de renforcer la coopération industrielle entre les deux régions. En encourageant la création de coentreprises et en incitant les constructeurs chinois à produire directement en Europe, l’Union européenne pourrait à la fois préserver ses emplois et bénéficier des investissements chinois. Cela permettrait également de maintenir un certain équilibre sur le marché automobile tout en répondant aux exigences de la transition écologique.
Néanmoins, la situation reste incertaine. La Chine, en position de force sur le marché des véhicules électriques, pourrait choisir de durcir sa position et de s’engager dans une guerre commerciale plus vaste si elle estime que ses intérêts sont trop menacés. De leur côté, les États membres de l’Union européenne devront continuer à naviguer entre la défense de leurs intérêts économiques et la nécessité de maintenir des relations commerciales équilibrées avec un partenaire incontournable.
Conclusion
En somme, bien que la guerre commerciale ne soit pas encore officiellement déclarée, les premiers coups de semonce ont été tirés.
Les prochaines étapes dépendront en grande partie de la capacité des deux blocs à trouver un compromis qui satisfera à la fois les exigences de concurrence équitable de l’Union européenne et les intérêts stratégiques de la Chine. Une chose est certaine : l’issue de ce conflit pourrait remodeler durablement le paysage de l’industrie automobile mondiale.
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